Lekerly ma vie en bleue

publié le Lundi 12 Octobre 2020

 Les cinq sens

publié le Mardi 27 Octobre 2020

En cette saison, l’un des moments que préfère Franpa est son arrivée matinale. Après cinq kilomètres, il traverse le bourg de Lacrabe et dès sa sortie, il a une magnifique vue sur la vallée du Luy de France (une petite rivière entourée de champs de maïs). Devant lui se dresse la chaîne des Pyrénées. Paysage simple et magique.

A chaque fois, il ne peut s’empêcher de regarder le château d’eau de Poudenx que l’on distingue facilement en haut de la prochaine colline. Cela lui permet de visualiser l’emplacement de sa chasse, son Capu qui est situé à trois cents mètres de là.

Logiquement en pleine saison de chasse, il ne voit que rarement toute cette nature car il y passe de nuit. 

En effet, chaque matin, il faut trente bonnes minutes à l’équipe complète pour monter tous les appeaux et quand le jour pointe, on doit être prêt dans la cabane. Mais en début de saison, on commence un peu plus tard parce qu’il n’y a très peu de passage.

Aujourd’hui, même si le jour s’est déjà levé, il ne voit rien de tout ça. Et pour cause, toute la vallée est prisonnière d’un épais brouillard. Alors, il roule lentement en faisant attention aux éventuels 
chevreuils et sangliers qui pullulent dans le secteur et qui peuvent traverser la route n’importe quand.

Quand il arrive près du bois, son visage s’illumine, le magnifique coq faisan qu’il ne voyait plus depuis une semaine est toujours là. Ce coq doit faire partie de tous ces faisans qui sont lâchés avant l’ouverture de la chasse début septembre. Comme il a pris l’habitude d’être dans le champ de maïs qui longe le chemin d’arrivée, c’est devenu leur faisan, une sorte de mascotte.

Dédé et Francis sont déjà sur place et trente minutes plus tard les trois compères sont à la cabane.

Visibilité à vingt mètres. Tout est en place pour que la journée soit longue.

Le café matinal est vite avalé et un deuxième est lancé. Heureusement le journal « Sud-Ouest » est là, ils peuvent ainsi commenter l’actualité du moment.

Sur le coup des neuf heures trente, un coup de sifflet « humain » a presque failli les réveiller. Franpa donne son feu vert avec un magnifique « Hoppp » guttural. Ils se demandent bien qui cela peut être. Impossible que ce soit Patrick il est à Paris et il n’arrive que samedi. Deux minutes plus tard ils ont la réponse.

C’est Vincent.
Dédé ne peut s’empêcher de dire « Et voilà quand on n’a pas l’original on a sa doublure. Même en début de saison, on ne peut pas être tranquille :-) ».

Vincent est le meilleur ami de Patrick, il est pharmacien sur la côte landaise et il a l’habitude de venir depuis bien quinze ans trois ou quatre jours par saison.

Sa première réaction est un « salut les gars, cette année je voulais être là avec vous pour les premières, mais vu la purée de pois, je crois que c’est foutu. »

Franpa aime bien Vincent, il est lui aussi mordu des bleues, prêt à faire 80 km pour passer une matinée, mais comme Patrick, il est né avec deux mains gauches.

Un peu à l’image de son père, il est très distrait, et son arrivée pleine forêt est sa première boulette annuelle, du coup il a droit à un petit rappel à l’ordre.

« Nom de Zeus, Vincent, même en début de saison on passe par les tunnels !!!! »

Et oui, quand on arrive à Capu, il est important de toujours circuler à l’intérieur des tunnels, jamais à découvert. Mais Vincent a tout pour se faire pardonner, comme à son habitude, il est venu les mains pleines. Respectant ainsi la tradition, qui veut 
que, lorsqu’on arrive dans une palombière on doit ouvrir les portes avec ses pieds.

Alors aujourd’hui ce sont trois bonnes bouteilles, une de bordeaux, une de Ricard et une de whisky qui rejoignent leurs copines. Elles sont toutes rapidement rangées dans le placard alimentaire.

Souvent quand on est dans une palombière, on s’aperçoit que les 5 sens doivent être en éveil. 

    • La vue se doit d’être au rendez-vous ... On aime se « casser les yeux » comme dit Francis.
    • L’ouie, elle aussi doit être bien présente. Ecouter la nature est magnifique. C’est fou comme les bruits sont beaux dans le silence. Quand tu es dans le brouillard comme ce matin, il est important qu’elle soit active. Pendant les périodes de passage, il arrive que certains vols passent au-dessus du brouillard. Quand tu es au poste de guet, tu ne les vois pas mais tu peux les entendre et à chaque fois que cela arrive, tu sursautes.
    • L’odorat, lui est toujours en action. On se régale souvent des odeurs de la forêt. Aujourd’hui, il est particulièrement actif grâce au poulet à l’oignon de Dédé qui mijote. Enfin quand je dis poulet à l’oignon c’est plutôt un oignon au poulet et c’est ............ magique.
    • Le toucher, lui aussi est primordial. Et oui, les commandes des appeaux se font avec des 
    • tanocs de maïs ou des morceaux de bois colorés, il faut les « donner » avec un toucher de chez toucher.
    • Et inutile de blablater sur le goût, au fond de nos cabanes, nous ne connaissons que trop l’importance de l’alimentation. :-).

Dans nos palombières, même si l’on ne chasse pas, nous sommes souvent heureux et ça c’est de l’or à l’état pur.