Lekerly ma vie en bleue

publié le Lundi 12 Octobre 2020

L’attente du premier vol

publié le Jeudi 29 Octobre 2020

Tout est en place pour que ce 9 octobre soit magnifique. Dans le ciel de Peyre, on ne voit pas un seul nuage et la température est optimale. Le style de journée superbe que l’on a souvent à l’automne dans le Sud-Ouest.

Nos quatre amis sont dans leur concours. Le concours des « premières bleues ». Elles vont arriver, on le sait, mais quand ??? Comme chaque année, les quatre chasseurs veulent gagner le prix symbolique de l’annonce du premier vol.

Et ce matin, Mathive, la fille de Patrick est venue compléter l’équipe. Du haut de ses 12 ans, elle espère les coiffer au poteau et aujourd’hui elle est arrivée avec sa paire de jumelles et sa motivation est hors norme.

Sur le coup des neuf heures, avec son impulsivité habituelle, Patrick en annonce un. Mais, il ne s’agit en réalité que d’un groupe de huit grives qui a surgi des pins de devant.

« Sa première boulette de l’année » a immédiatement dit Franpa.
« Et ...... ce n’est pas la dernière » a surenchéri Dédé.
Il est clair qu’il risque souvent d’en entendre parler cette saison. Et oui, à la palombière aussi, il vaut mieux tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. 

Et pourtant, on parle souvent quand on est au « pit ». Tous les sujets y passent, la vie locale, la vie familiale, le sport et bien sûr la politique avec toutes les effusions que cela peut provoquer. Dans ces moments, mieux vaut ne pas être rancunier, « car si on en donne, on en reçoit ».

Ce qui est fabuleux au poste de garde, c’est que l’on ne ment jamais, car quand un paloumayre ment, en réalité il ne ment pas, il exagère. Et puis ce n’est pas grave car tout ce qui se dit à la palombière se doit de rester à la palombière.

Le temps est magnifique mais le ciel vide. Alors, en attendant, on passe le temps à regarder la nature. Il est encore tôt pour voir grues et rapaces. Les premiers migrateurs présents sont les petits oiseaux comme les pinsons, les grives ou les alouettes.

Patrick a comme depuis deux ans inscrit la chasse de Capu comme « observateur » sur « palombe.com ». Cette page du net permet à l’ensemble des paloumayres français de communiquer. Tous les soirs de la saison, il va mettre en ligne le nombre de vols observés avec les principales caractéristiques météo. Et régulièrement, 
il va poster ses états d’âme et l’impression du poste sur le passage en cours. 

La Tribune et les forums permettent un fort brassage de communication entre chasseurs de différentes régions. Tous ont la même passion de l’oiseau bleu, mais les chasses sont très différentes. 

Sur le secteur landais, il existe deux types de postes. Les cabanes au sol (comme ici à Capu) et celles en haut des arbres. Les deux fonctionnent de manière similaire avec le même type d’appeau. Le confort de chasse est plus présent pour les palombières au sol. En effet, les problématiques de taille des cabanes n’existent pas, on peut faire un peu tout ce que l’on veut. Ce n’est pas la même chose pour celles situées en haut des arbres ou le confort est plus spartiate. En revanche la beauté de la pose est beaucoup plus forte en hauteur, les palombes se trouvent parfois à moins de cinq mètres des chasseurs. Les frissons sont garantis.

Dans le département il est interdit de tirer les palombes au vol. Cette interdiction n’existe pas sur d’autres secteurs. En fin de saison dernière, la tribune de palombe.com avait bien chauffé entre les défenseurs de ces deux styles de chasse. 

À Capu, Dédé et Francis sont viscéralement opposés à la chasse au vol, notamment quand elle est couplée à l’utilisation d’appelants. Ils reprochent à cette technique de trop souvent blesser les 
animaux et ils pestent contre l’augmentation de la méfiance des vols quand ils voient les appeaux. 

Franpa et Patrick sont plus modérés, même s’il leur est inconcevable de chasser de cette manière. Ils respectent le côté tradition locale de certains secteurs, par contre il est inconcevable que l’on puisse chasser de cette manière s’il n’y a pas d’historique. 

Avant tout, ils désirent que l’on ne mette pas d’huile sur le feu. Il est primordial pour la défense de leur passion que les chasseurs soient les plus unis possible.

A midi, le clocher de Poudenx donne son autorisation pour l’apéro traditionnel. Cinq minutes plus tard, un portable sonne, « C’est Vincent » dit Franpa.

Avec toute sa fouge habituelle, il leur explique qu’il vient de voir son premier vol en sortant de sa pharmacie et il ne peut pas s’empêcher de leur annoncer. Il va même jusqu’à prétendre qu’une des palombes a dû avoir peur du son des cloches de l’église. Franpa ne peut s’empêcher d’ironiser en lui demandant si elle a fait un looping ou un double salto arrière.

Parfois, à Capu on se demande s’il n’abuse pas de substances illicites.

Bien sûr, il ne peut être déclaré vainqueur du premier vol. En effet on ne peut gagner ce concours qu’en étant à Capu. Quand il raccroche Franpa ne peut s’empêcher de dire.

« Celui-là, il commence fort, s’il nous annonce tous les vols qu’il voit sur sa pharmacie cette saison, il va falloir vraiment que l’on mette nos téléphones sur silencieux ».

A la grande déception de Mathive, le premier vol ne sera pas pour aujourd’hui, on sait qu’il va arriver mais on a déjà 3 jours de retard par rapport à l’année dernière.