Lekerly ma vie en bleue

publié le Lundi 12 Octobre 2020

Le jour J

publié le Mercredi 21 Octobre 2020

Quand nous nous réveillons ce 17 septembre, très vite nous remarquons qu’il y a quelque chose de spécial. Nous nous sommes tous couchés en sachant que le jour J était proche et tous réveillés en sachant que le départ était pour aujourd’hui.

J’ai dormis à côté de Ioda. Dès notre réveil on a rejoint Leila et nos deux parents. Papa qui est de nature calme est ce jour-là très, très calme. J’en conclue donc qu’il est stressé.

Très rapidement, il nous demande de nous tenir prêts. Calmement, il nous explique qu’il désire que l’on attende le premier vol de migration qui passera au-dessus de nous. Le but est de le rejoindre afin d’attaquer notre grand voyage avec lui. Toute la famille l’écoute attentivement, mais moi je suis une véritable pile électrique.

Encore une fois, et sans savoir vraiment pourquoi, je lui dis « Non papa, on part et c’est les autres qui nous rejoindront ». Et je décolle. Malgré la surprise tout le monde me suit. C’est magnifique, on survole des endroits qu’on connaît parfaitement et le temps est extraordinaire. Au bout de cinq minutes Fabio vient à ma hauteur. Je sens dans son vol beaucoup de rage et dans son regard de l’énervement.
Comme nous volons assez vite, nous n’avons pas eu l’occasion de nous parler, mais j’ai bien vu que je l’ai vexé.

Le soleil vient de se lever et il va sûrement être présent toute la journée. Même le vent qui soufflait assez fort depuis trois jours s’est calmé. Je suis heureuse.

Nous partons pour une belle aventure.

Comme je l’ai prévu, quinze minutes plus tard deux autres palombes nous ont rejoints. Je ne les connais pas, ce sont deux jeunes palombes qui comme moi n’ont pas encore de coloration blanche sur leur collier. 

Un peu plus tard, alors qu’on longe la rive Est du lac de Vättern, c’est une famille de quatre qui se joint à nous. Papa ouvre le vol. Cela fait bien deux heures que nous sommes partis. Il décide donc de se poser sur un chêne à l’extrême-Sud du lac. Bien sûr tout le monde le suit.

Nous sommes maintenant un groupe de onze palombes. Rapidement, nous faisons connaissance. Papa est naturellement considéré par les autres comme le leader du groupe.

Après dix minutes de repos, il me demande de le rejoindre sur une des branches supérieures. J’obéis immédiatement avec beaucoup de crainte. D’entrée, il me fait part de l’énorme déception que je lui ai causée en ne respectant pas ses consignes. Je m’attendais à de forts reproches, mais il n’en est rien.

Papa est constructif. 

Il m’apprend que lors d’un départ, les premiers vols qui partent doivent absolument comporter un dominant leader. C’est pour cela qu’il désirait attendre un vol. J’avais pris une autre direction et maintenant il avait un devoir moral auprès des deux groupes qui nous avaient rejoints.

Ce boulot il ne le voulait pas, mais il le ferait. C’est maintenant son devoir. Et pour bien le faire il me demande de l’aider et surtout de ne pas le contredire à l’avenir.

Sans attendre mes remarques, il part rejoindre les autres et d’un ton directif il leur explique qu’aujourd’hui il faut encore continuer notre périple.

Je prends rapidement conscience de l’erreur que j’ai commise, mais papa ne m’avait jamais expliqué ce fonctionnement. J’avais réagi instinctivement, de manière naturelle. Mon impatience était sûrement trop forte.

Finalement je m’en voulais sans trop m’en vouloir. 

Après trois-quart d’heure de repos, nous reprenons notre progression et trois heures plus tard nous 

nous posons à Halmstadt tout près de la frontière danoise.

Jamais nous n’avions autant volé et pourtant nous n’étions pas fatigués. C’était sûrement l’excitation.

Il est environ 15 heures et l’on se met à la recherche de nourriture. La nature ici est déjà différente de notre Sälna. On est chanceux, très rapidement on trouve un champ de céréales. Ce champ est bordé de toutes parts par une belle forêt. On a tout sur place pour bien s’alimenter et se reposer.

Le soir, on se trouve un très beau dortoir sur le versant Ouest d’une colline toute proche. Les branches sont tellement dégagées que nous nous sommes toutes posées sur le même arbre.

Ce jour J est pour moi très surprenant. Mon impulsivité heurte papa. Je l’ai mis dans l’embarras et pourtant il compte sur moi.

Je l’aime mon papa.