Lekerly ma vie en bleue

publié le Lundi 12 Octobre 2020

Le solitaire

publié le Jeudi 15 Octobre 2020

Ce samedi 3 août, les fêtes annuelles d’Hagetmau viennent de commencer. Comme prévu, Franpa retrouve Dédé et Francis à la palombière.

La féria va durer cinq jours. Ils s’y rendront ce soir, y prendre un verre pour voir la cavalcade et les célèbres voitures des fêtes. Dimanche, la novillada est au programme. Cette tradition, venue d’Espagne, est l’un des spectacles préférés de Franpa. Mais, avant, il y a du travail à Capu.

La matinée est vraiment magnifique. Nos trois compères décident d’attaquer dès le lever du soleil. 

Toutes les fougères coupées la semaine précédente doivent être installées sur les tunnels. Le tout sera réalisé en moins de trois heures.

L’été, il est très agréable de travailler dans la forêt, par contre, il est impératif d’attaquer tôt le matin. En effet, à partir de 10 h 30 la température commence à être trop élevée. Nos amis préfèrent y arriver « à la fraîche ». C’est à ce moment, où l’on est le plus productif et surtout, on a le plaisir de sentir les odeurs qui se dégagent des bois. A chaque instant, elles changent en se combinant avec les premiers rayons de soleil.
Avec le calme qui règne, on a l’impression d’être entouré d’ondes positives.

Francis est arrivé le premier. A 71 ans, c’est lui qui est le plus souvent présent à Capu. Il adore y passer des heures pour bricoler. 

Dans une chasse, il y a toujours du travail à faire et cela quelle que soit la saison. Francis prend souvent des initiatives sans en faire part à l’équipe. C’est le roi des surprises. Et ce sont toujours de bonnes surprises.

Un jour Franpa découvre le long du tunnel d’arrivée, une nouvelle porte. Il l’ouvre et trouve un local sanitaire flambant neuf.

Francis avait totalement installé des toilettes sèches avec murs boisés, étagères, fenêtre. Il avait complété par des accessoires indispensables (papier hygiénique et désodorisant). Lors de la dernière période de chasse, Franpa et Dédé en avaient vaguement parlé et ce n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Encore une superbe initiative.

Francis aime venir travailler seul, il aime cette solitude. Il fait partie de ces gens qui ont des « mains en or » et le résultat est très souvent au rendez-vous.

En octobre 2015, Dédé avait réussi à poser un beau vol sur les pins de devant. Ce jour-là quatre
chasseurs étaient présents dans la cabane. Chacun avait son fusil et après une rapide communication entre eux, Franpa s’apprêtait à « donner le commandement ».

Donner le commandement, c’est permettre aux chasseurs de tirer en même temps. A Capu c’est souvent Franpa qui le donne.

Après avoir vérifié la direction des fusils. Il dit à voix basse « Vous y êtes ? » ...... (on entend des petites voix répondre « oui, oui, oui » ..... « Attention …. 1 » .... Et on tire sur le 2.

Tout est une question de timing.

Quand une volée se pose, il faut aller vite - parfois les bleues ne restent que quelques secondes en haut des arbres - sans aller trop vite - il faut que le maximum de chasseurs puisse tirer et bien sûr, pas sur les mêmes. Bref, ce n’est pas évident. 

Ce jour-là, Franpa eut simplement le temps de dire « Vous y êtes ?? »

Et Francis tira.

Ces amis qui n’avaient pas eu le temps de viser, le regardaient avec étonnement. Francis dit simplement « je l’ai eue » sans se rendre compte qu’il était le seul à avoir tiré. L’incident lui amenait bien sûr quelques railleries, mais dix minutes plus tard, on avait oublié. Quand je dis « oublié » en réalité j’exagère car très vite les autres chasseurs ont vu se dessiner un léger sourire sur leur visage. 
Et oui, ils se régalaient d’avance en imaginant tous les moments où ils se feraient un plaisir de lui rappeler cet épisode.

Ces moments, où l’on donne le commandement sont des moments de grand stress. La pression est palpable et tout va très vite.

On peut raconter de multiples anecdotes, que ce soit la déception du vol qui décolle sur le…. « Êtes », ou sur le « 1 », mais aussi l’habituel chambrage d’un chasseur qui oublie de charger son fusil ou d’enlever sa sécurité.

Là, on a eu le droit à un tir précipité.

Depuis, on donne à Francis un surnom « Le Solitaire ».

Et finalement cela lui va bien.