Lekerly ma vie en bleue

publié le Lundi 12 Octobre 2020

Les tempêtes

publié le Mercredi 14 Octobre 2020

En ce 25 juillet, en tout début d’après-midi, Franpa arrive dans son petit paradis. 

Ce jour-là, il a un objectif, couper un maximum de fougères pour les stocker en petits tas le long de l’ensemble des tunnels qui serpentent dans la forêt. Il y a un mois, il remplaçait certains vieux piliers qui étaient très fatigués par de nouveaux en acacias. Maintenant, il faut colmater les trous. Depuis le printemps, les fougères envahissent certaines zones du bois. Il n’y a aucun problème de stock. Tout est là à portée de mains.

Il avait calculé, il y a trois cent vingt mètres de couloirs, et en quatre heures le tout pourrait être réalisé. Ce week-end Dédé et Francis, deux de ses amis chasseurs, viendront l’aider pour les fixer afin de remplacer celles qui ont trop souffert l’hiver dernier. 

Mais au bout de vingt minutes, il s’arrête. Le vent vient de se lever. Il n’aime pas du tout l’horizon qu’il voit se charger au niveau du clocher de Poudenx. Un ciel foncé avec des traînées blanches qui semblent prendre rapidement la direction de sa chasse. Sagement, il décide d’aller se réfugier dans la cabane dans le but de se faire un bon café.
Franpa ne s’est pas trompé, cinq minutes plus tard un violent orage éclate. Il n’est pas trop inquiet même s’il déteste les orages.

À Capu, c’est Dédé qui depuis très longtemps est chargé de l’entretien des arbres et notamment de l’ensemble des structures servant aux appeaux. Que ceux-ci soient fixes, sur balancier ou en « va et vient ». Un jour, surpris par un orage, il est resté bloqué trente bonnes minutes pratiquement à la cime d’un pin de vingt-cinq mètres.

Les systèmes qui permettent pendant la période de chasse de monter quotidiennement les appeaux en haut des arbres sont constitués de poulies, câbles, fils et contrepoids agissant tels des leviers manuels. Ce sont eux qui permettent aux appelants « pigeons et palombes » d’être opérationnels.

Chaque année, il est important de bien vérifier leur fonctionnement. En effet, la nature est toujours en mouvement et il ne faut pas que de nouveaux obstacles empêchent leur mobilité. D’où l’obligation de régulièrement les inspecter et nettoyer.

Le jour où Dédé est resté en haut du pin sous le déluge restera à jamais gravé dans sa mémoire.

L’attente était « pesante » dans la cabane. 

Dès la fin de l’orage, la descente du pin fut très difficile. Dédé était tétanisé et il devait cheminer sur 
un tronc complètement glissant. A l’époque les chasseurs qui montaient en haut des arbres utilisaient très peu de matériel de sécurité. Et malheureusement, les accidents étaient fréquents.

La descente avait pris plus de vingt minutes, une éternité quand tu es impuissant en bas de l’arbre. Mais tout s’était heureusement bien passé. Dès que Dédé avait mis le pied à terre, tout le monde alla souffler dans la cabane.

Les orages pouvaient faire de très gros ravages mais, que dire des tempêtes. Celle de 1976 avait été la plus dévastatrice, elle avait généré beaucoup de dégâts. Martin en 1999 et Klaus en 2009 avaient été tragiques sur la région, mais heureusement elles avaient en partie épargné leur chasse.

Ces tempêtes avaient arraché tout sur leur passage en empruntant des sortes de couloirs. Coup de chance, Capu n’était pas sur leurs trajectoires principales. 
Ils s’en sortaient bien, contrairement à beaucoup de leurs amis qui avaient tout perdu et n’avaient plus que leurs yeux pour pleurer leurs pins. 

Au tout début de novembre 2019, quand Météo France annonce l’arrivée d’une tempête au doux nom « d’Amélie », Franpa avait eu un très mauvais pressentiment, les sols étaient déjà gorgés d’eau et l’arrivée de vents à plus de 110 km/h pouvait faire 
craindre le pire. Il avait peur que les années en 9 portent encore la poisse aux paloumayres. 

Heureusement, la tempête n’avait pas atteint la force prévue. Deux mois plus tard, c’était Fabien qui avait été annoncé. Il était prévu qu’il soit plus faible et pourtant, c’est lui qui fera le plus de dégâts en déracinant un pin de pose et quatre autres arbres. Il y avait beaucoup de travail à effectuer, mais rien de catastrophique.

Franpa a l’impression de voir se multiplier ces incidents climatiques. L’avenir lui fait de plus en plus peur. A ce rythme, il se demande souvent ce qui arrivera dans le futur. Sa nature optimiste est parfois envahie de doute.

Le fait d’appeler les tempêtes par des prénoms l’a toujours fait sourire. Il a bien compris que cette dénomination permet d’améliorer la communication sur leur arrivée. Chaque année, c’est l’institut allemand de météorologie qui les dénomme par ordre alphabétique, la première par un A et ainsi de suite.

Franpa espère fortement qu’aucune ne portera le sien. 

A la chasse c’est comme dans la vie, il vaut mieux être chanceux