Lekerly ma vie en bleue

publié le Lundi 12 Octobre 2020

Nostalgie

publié le Samedi 17 Octobre 2020

Nous sommes déjà à la fin du mois d’août et nos amis ont beaucoup de travail en perspective. En effet la forêt continue son éternel développement.

Chaque année, c’est toujours la même chose, et pour être le plus visibles des vols de passage, les appelants doivent être positionnés à la cime des arbres.

Le 25 août, une connaissance « élagueur de métier » est venue leur donner un coup de main pour éclaircir les pins et remonter la barre de deux appeaux de trois bons mètres.

Pendant des années, c’est Dédé qui faisait ce travail mais à l’approche de la soixantaine, il avait décidé d’arrêter.

Physiquement il s’en sentait toujours capable mais le mental n’était plus au rendez-vous. Depuis toujours, il adorait monter en haut des arbres, mais un jour la peur s’était installée et avant de connaître un accident il avait dit stop.

Quand il avait pris cette décision, ses amis avaient été soulagés. Car la peur ils la connaissaient de plus en plus quand ils le voyaient en haut. Ce n’était pas la même peur, mais elle était très désagréable. 
Maintenant, c’est une de ses connaissances, un gamin de 35 ans qui fait le travail.

Lors de sa venue, Franpa, Dédé et Francis sont bien sûr présents. Cette année, ils veulent faire éclaircir plusieurs pins. 

Ils ont remarqué que des pins qui étaient de très bons pins de pose quelques années plus tôt, se voient de plus en plus désertés par les bleues. Il y a maintenant trop de branches, trop d’aiguilles. Il faut donc nettoyer tout ça et le tout à vingt-cinq mètres de haut.

L’élagueur fait le nécessaire pour faire tomber de multiples branches et nos trois amis débitent et rangent tout ce qui tombe.

C’est fou comme les petites branches que l’on voit en haut des pins sont grandes et encombrantes quand elles sont au sol. Il y a vraiment du boulot.

Sur les coups des 11 h Franpa ressent un petit coup de fatigue. Prudent, il décide d’aller se reposer à la cabane. Il se prend un bon verre de menthe glaciale et se pose tranquillement. Quand tu sens un coup de mou, il est important de ne pas se mettre dans le rouge et un quart d’heure de repos est souvent très bénéfique.

Le fauteuil dans lequel il s’installe est un vestige hors d’âge qui n’existe que par l’existence de la cabane. 
Ses couleurs sont passées, le cuir est craquelé, il y a des trous, mais il est hors de question de le remplacer. Ça fait « chasse ».

Assis dans son fauteuil, Franpa regarde les cadres remplis de photos qui ornent le mur du fond.

Les souvenirs lui reviennent en mémoire. 

Il y a bien sûr des photos prises à la suite des tempêtes, ainsi que celles de la palombière sous la neige. Mais il y a surtout celles d’amis qui sont maintenant décédés. Il y a notamment Jeannot l’ancien propriétaire du bois qui sourit une poêle à la main et Michel en train de couper du bois. 

Michel son ami d’enfance qui était avec lui dès la construction de la première cabane. Michel son ami, parti trop tôt il y a dix ans. Franpa sent soudain un vent de nostalgie s’installer. 

Il n’est pas trop optimiste pour l’évolution de cette chasse qu’il aime tant. 

Les couloirs de migrations ont changé. Le passage n’est plus aussi régulier. L’axe de migration historique « Nord-Est/Sud-Ouest » s’est transformé en un Est/Ouest. Du coup on parle d’un passage « en travers ». Souvent, les chasseurs se demandent s’ils n’ont pas perdu leur Nord et leur Sud.
Avec Michel, ils avaient à peine 20 ans quand ils ont construit leur première cabane.

Maintenant, les jeunes sont de moins en moins nombreux à faire la même chose. Ils font sûrement partie de l’avant-dernière génération de passionnés. C’est triste mais il n’y a pas grand-chose à faire.

Parfois, la maladie bleue qui l’a contaminé se transforme en maladie blues.

La société change.

Dernièrement, en Chine, le professeur Song Bifeng vient de finir la conception de pigeons bioniques qui reproduisent en vol près de 90 % des mouvements d’un vrai pigeon. De plus, son aspect « physique » est déjà pratiquement parfait. Bien sûr, il est très confiant pour augmenter de façon significative ce pourcentage.

Actuellement, ces pigeons sont destinés aux forces de sécurité gouvernementale. Munis de caméras, ils peuvent facilement surveiller la population. Mais comme tout va très vite on n’est pas loin d’imaginer leur arrivée comme appelants. 

Il faut s’adapter à toutes les transformations de notre monde dit « moderne », mais faut-il s’accommoder sur tout ??
C’est un peu comme pour les photos. Actuellement, avec les nouveaux téléphones on en prend beaucoup et on les stocke dans leurs mémoires. Résultat, on ne les regarde plus. Du coup, sur le mur de la cabane, il n’y a aucune qui a moins de 8 ans.

Le progrès c’est essentiel, mais ce n’est pas si bien que cela pour beaucoup de choses.