Lekerly ma vie en bleue

publié le Lundi 12 Octobre 2020

Sälna

publié le Lundi 12 Octobre 2020

Bonjour, je m’appelle Lekerly et je suis une «Ringduva».

Je sais que la plupart d’entre vous entendent ce mot pour la première fois, mais c’est comme ça que l’on m’appelle ici à Sälna, en Suède.

Chez vous, en France, dans le nord, vulgairement, on me dénomme pigeon ou ramier, certains me classent même dans les nuisibles. Mais dans le sud, je suis une «Palombe» ou une «Bleue».

Deux termes que je préfère, ils montrent pour moi une forme de respect pour notre espèce. Ils sont bien plus chantants et agréables à entendre. C’est un peu comme pour votre histoire de «pain au chocolat» et de «chocolatine». Pour moi, il n’y a pas photo.

« Français du sud, j’aime le soleil qui rayonne dans vos vies. »

Sälna est une petite ville suédoise située à environ cinquante kilomètres au nord de Stockholm.

Je suis née le 28 juin. Pour ma maman Volva, je suis un don de la nature. 

Les 11 et 12 juin, maman a fait trois œufs dans notre nid familial, perché bien à l’abri d’un magnifique épicéa. Les épicéas sont les principaux arbres de notre forêt. Ses vingt-neuf millions d’hectares lui permettent d’être la plus importante d’Europe.

Notre nid est situé à l’intersection de trois branches, le rendant ainsi très stable, même quand le vent souffle fort.

Normalement, à chaque naissance, il y a un ou deux œufs, mais là, il y en avait trois. Mon frère Ioda a brisé sa coquille le premier, puis une heure plus tard ma sœur Leila a poussé son premier piaillement. Moi, j’ai dû attendre deux jours de plus et quand je suis née, j’étais bien plus petite et frêle que Leila et Ioda. C’est peut-être pour ça, que je suis devenue très vite la «chouchou» de maman.

Quand on vient de naître, on ne ressemble pas du tout à nos parents. Le haut de notre tête est jaune et les plumes que l’on possède sont grises, jaunes et blanches.

Entre nous, nous avons beau être frère et sœur, c’est fou comme nous sommes différents et cela s’est vu dès la naissance. Et cette différence n’est pas que physique. Ioda est fier, il piaille très fort. Il n’hésite pas à nous bousculer pour occuper la place centrale du nid. Leila, elle, est toute calme. Elle ne fait rien pour se faire remarquer et dès qu’il y a trop de bruit, elle se blottit en boule.

Et moi, je suis moi et j’observe tout avec attention. C’est fou comme j’aime observer. En l’espace d’une semaine, je suis persuadée que je connaissais déjà tous les moindres détails de l’environnement de notre nid.

Volva, ma maman, est d’une très grande beauté. La robe de son plumage est parfaitement lisse avec de magnifiques couleurs. Le bleu alterne avec le gris et le violet. Son collier blanc est parfaitement dessiné et quand elle bouge son cou, on voit ses plumes blanches recouvrir les autres qui restent immobiles.

Elle est très douce et reste souvent avec nous.

Volva est aussi née à Sälna, quatre ans plus tôt dans le même arbre. Dans un nid qui aujourd’hui n’existe plus. Mon papa Fabio lui est physiquement différent. Il est un peu plus trapu que maman. Il est né, il y a 4 ans en Italie, près de Milan, à plus de deux mille kilomètres de Sälna. Il est très sérieux, il ne parle pas beaucoup, mais cela ne l’empêche pas d’avoir beaucoup de charisme.

 

La plupart des palombes sont rassurées quand il est présent.

 

Ils se sont rencontrés à Grandola dans le sud du Portugal à la fin de l’hiver dernier. Subjugué par la beauté de maman, Fabio montait dans les airs lentement sur vingt à trente mètres. Puis il semblait

s'arrêter et basculait en battant très rapidement des ailes. Il pouvait ainsi plonger sur sept à huit mètres les ailes ouvertes à l'horizontale. Ce scénario recommençait cinq ou six fois avant qu’il ne se pose. Eh oui, chez nous, c’est comme ça que les papas charment les mamans.

 

Quand la fin de l’hiver est venue, papa a décidé de ne plus retourner en Italie et de suivre maman dans son beau pays nordique. Son choix était cruel, mais il n’avait pas hésité. L’amour l’avait emporté.

 

Et maintenant nous sommes cinq.