Juridique

publié le Dimanche 19 Août 2007

Le statut juridique de la palombe (2001)

publié le Vendredi 20 Août 2004

La palombe (columba palumbus), souvent confondue par certains médias avec la tourterelle des bois (turterella turtur) , dont les vols au-dessus du Sud ouest entraînent chaque année, au mois d'octobre, la " fièvre bleue " chez de nombreux chasseurs, a longtemps été l'un des gibiers de base de la chasse française avec le lapin de garenne.

Son statut juridique varie dans le temps et dans l'espace, il était utile d'en faire l'analyse.

La palombe ou pigeon ramier est tout d'abord un gibier chassable qui figure dans la liste fixée par arrêté ministériel du 26 juin 1987 parmi les oiseaux de passage.

Les modes de chasse de cet oiseau varient puisqu'il peut être chassé classiquement à tir ou au vol mais également selon certains modes de chasse traditionnels.

La chasse à tir ou au vol du pigeon ramier se pratique pendant la période d'ouverture de la chasse telle que fixée par l'autorité administrative à partir de l'un des dimanche de septembre et en fonction de la situation géographique du département.

La fermeture de la chasse du pigeon ramier a, quant à elle, été fixée, par la loi du 3 juillet 1998, au dernier jour de février à l'ensemble du territoire national. Cette fixation vient d'être remise en cause par l'arrêt en date du 3 décembre 1999 du Conseil d'Etat. Le projet de loi sur la chasse présenté par le gouvernement réattribue à l'autorité administrative la fixation de la clôture de l'espèce. Cette clôture devra intervenir en conformité avec les principes dégagés par la Cour de Justice des Communautés Européennes pour l'application de la Directive CEE 79-409 relative à la conservation des oiseaux sauvages afin d'éviter de nouveaux développements jurisprudentiels. En outre, cette espèce devrait pouvoir bénéficier de plans de gestion, en particulier en ce qui concerne les spécimens migrateurs de l'espèce, d'autres s'étant, semble-t-il, plus ou moins sédentarisés. Les incertitudes relatives aux dates de fermeture de l'espèce devraient être normalement levées pour la prochaine saison de chasse 2000-2001.

Si le pigeon ramier se chasse à tir, il peut également faire l'objet de modes de chasse traditionnels tout comme l'alouette des champs par exemple.

La chasse traditionnelle de la palombe se pratique à l'aide de filets. Ces filets sont soit horizontaux, dits pantes, c'est le cas des palombières dans la Gironde, les Landes, le Gers, le Lot et Garonne et les Pyrénées Atlantiques, soit verticaux, les pantières, placés à des endroits déterminés par le passage des oiseaux, c'est le cas des filets utilisés dans les cols des Pyrénées Atlantiques.

Pour chacun de ces cinq départements, un arrêté ministériel détermine les conditions d'utilisation des engins traditionnels.

En ce qui concerne les pantières, installées dans les palombières au sol, il s'agit de filets horizontaux installés de part et d'autre d'une place soigneusement dégagée sur laquelle les oiseaux vont se poser ; les filets actionnés par un ressort se rabattent sur les oiseaux attirés par les chasseurs et posés pour les capturer vivants. L'arrêté ministériel, pour chacun des départements concernés, prohibe l'utilisation d'appelants vivants aveuglés définitivement ou mutilés, mais sont autorisés les appelants rendus aveugles momentanément par un capuchon amovible. Seules les pantes existant avant 1981 sont autorisées pour quatre des cinq départements. Pour les Pyrénées Atlantiques, les installations autorisées sont celles existant avant 1939.

Les dispositions des arrêtés ministériels, quant à la taille des mailles des filets qui doivent avoir une dimension de nœud à nœud d'au moins 40 mm, les appelants, et la date à laquelle les installations existaient, ont été reprises pour les filets verticaux ou pantières. Ces filets verticaux arrêtent le vol des pigeons que l'on veut capturer. L'utilisation de ces filets verticaux figure dans l'arrêté ministériel relatif au département des Landes mais aucune installation n'existait en 1981, la dernière mention datant de 1635 environ. La tradition est toujours vivace des filets verticaux dans les Pyrénées Atlantiques, elle remonterait à 1267 . En 1986, neuf grands filets verticaux étaient encore en activité en France dont huit en Pays Basque et un dans le Béarn.

La période d'utilisation des installations est fixée pour chaque département, de l'ouverture générale de la chasse au 20 novembre inclus.

Dans tous les cas, l'installation a nécessité pour son implantation l'autorisation du propriétaire de la parcelle, de l'ACCA (Landes, Gironde, Pyrénées Atlantique) ou de l'association de chasse et de la Direction départementale de l'agriculture et de la forêt.

Aucune installation traditionnelle nouvelle ne peut être créée dans les cinq départements. Toutefois, dans les Landes, lorsqu'une installation existant en 1981 est devenue inutilisable, une modification d'implantation peut intervenir après autorisation administrative, du propriétaire et de l'ACCA, mais le nouvel emplacement doit être situé à au moins 300 mètres des installations en place.

Afin qu'il n'y ait pas de concurrence entre les installations et les chasseurs à tir au vol, des dispositions spécifique ont été adoptées par les ACCA dans les Landes qui visent à protéger en quelque sorte les zones où se trouvent les installations et à obliger les chasseurs à tir du pigeon ramier à exercer leur loisir sur une autre partie du territoire de l'ACCA ou en dehors de la période prévue pour la chasse traditionnelle.

Dans les Pyrénées Atlantiques où se pratique la chasse à tir, au posé, du pigeon ramier, des dispositions comparables ont été adoptées par arrêté ministériel du 1er août 1991 afin de limiter la concurrence entre les palombières sur pylône sur lesquelles se pratique le tir au vol du pigeon ramier et les postes fixes à partir desquels se pratique la chasse au posé. Le tir au vol est même interdit dans certains cantons pendant le mois d'octobre et donc au moment de cette fameuse " fièvre bleue ", à l'exception de certains postes fixes matérialisés dont la liste figure dans l'arrêté. L'arrêté précise, en outre, qu'une distance de 300 mètres minimum des postes fixes existants doit être respectée pour la création de tout nouveau poste fixe à tir. Enfin, seuls les titulaires d'un permis de chasser peuvent être en possession d'une arme à feu, au poste, le surplus éventuel étant obligatoirement démonté ou placé sous étui.

Des chasseurs, qui n'avaient pas respecté un arrêté identique en date du 27 août 1986 et qui avaient été verbalisés, ont été poursuivis et condamnés en 1ère instance mais relaxés par la Cour d'Appel de Pau par arrêt en date du 25 mai 1988. Ils avaient soulevé l'illégalité de l'arrêté ministériel. La Fédération départementale des chasseurs des Pyrénées Atlantiques, partie civile, qui s'était pourvue en cassation, a obtenu la réformation de l'arrêt d'appel, la chambre criminelle estimant, par arrêt en date du 6 juin 1989, que le ministre disposait du droit de réglementer la chasse de la palombe en vue de prévenir la destruction trop importante des oiseaux et d'organiser l'exercice rationnel de la chasse, y compris en créant une certaine discrimination entre les titulaires de baux de chasse.

Il n'existe pas d'autre région où se pratique un mode de chasse traditionnel du pigeon ramier lié fortement, à la migration de cet oiseau de passage.

Oiseau chassable, le pigeon ramier est, dans de nombreux départements, également classé comme oiseau nuisible par arrêté préfectoral annuel, au titre des articles R.227-5 et suivant du code rural et de l'arrêté ministériel du 30 septembre 1988.

Seuls les propriétaires, possesseurs ou fermiers sont autorisés à détruire les pigeons classés nuisibles. Ils peuvent, toutefois, déléguer leur droit de destruction par écrit et gratuitement à une personne de leur choix

Les deux seuls modes de destruction autorisés sont :

  1. l'utilisation des oiseaux de chasse au vol sur autorisation préfectorale individuelle, depuis la date de clôture générale jusqu'à la date de son ouverture générale, selon les modalités d'utilisation des oiseaux de chasse au vol prévues par l'arrêté ministériel du 30 juillet 1981 modifié,
  2. le tir pour les personnes titulaires d'un permis de chasser valable. Trois périodes ont été fixées pour la destruction à tir du pigeon, sans formalité particulière de la fermeture de la chasse au 31 mars, puis sur déclaration au préfet du 31 mars au 30 juin, enfin sur autorisation individuelle du préfet du 30 juin au 31 juillet

Un contentieux important a donné lieu à plusieurs décisions des juridictions administratives relatives au classement nuisible du pigeon ramier. Il apparaît que si le juge administratif accepte ce classement, pris annuellement par le préfet pour tout ou partie du département, il exige une motivation à ce classement et prohibe un classement dont le but ne serait, en fait, que la prolongation pendant le mois de mars de la chasse du pigeon ramier (cas du département de l'Ardèche, par exemple). Cette position a été régulièrement affirmée par le Conseil d'Etat qui, s'il considère justifiée la défense des intérêts prévus par l'art. R.227-6 du CR y compris les intérêts cynégétiques, exige une justification du classement nuisible du pigeon ramier (voir à ce sujet CE 20-10-1997,n°121377 et 121510, FDC de l'Aisne). En outre, une circulaire de la Direction de la Nature et des Paysages en date du 27 juillet 1999 est venue renforcer cette exigence. Il appartient donc à l'autorité compétente de faire état d'une présence significative de l'espèce et de la réalité des dommages

En revanche, dans les régions ou l'espèce commet de réels dégâts à l'agriculture, le classement comme espèce nuisible se justifie. C'est principalement le cas du Nord de la France où se pratiquent des cultures attractives y compris maraîchères, telles que des cultures de pois ou de colza par exemple.

Il convient de noter que les dégâts commis par le pigeon ramier à l'agriculture ne sont passibles d'aucun des systèmes d'indemnisation en vigueur, qu'il s'agisse du fonds d'indemnisation administrative, dont les ressources sont dévolues aux seuls grands animaux soumis au plan de chasse et aux sangliers, que du système basé sur la réparation pour faute relevant de l'article 1382 du code civil et de la loi du 24 juillet 1937. En effet, s'agissant d'un oiseau, le fonds de provenance où il serait considéré en surnombre, du fait de la faute du propriétaire qui s'abstiendrait de le gérer et de le réguler, ne peut être déterminé. Il appartient donc à l'agriculteur de se défendre lui-même ou par un intermédiaire choisi par lui et titulaire d'un permis de chasser valable.

Quant aux agents chargés de la police de la chasse ou aux gardes particuliers, ils sont soumis aux mêmes restrictions que celles rappelées ci-dessus, conformément à l'article R.227-19 du code rural alinéa 2. Cette destruction s'opère toutefois dans les conditions et sur les lieux définis strictement par le préfet dans son arrêté annuel. Ainsi, il est généralement prévu que le pigeon ramier doit être tiré à partir de postes fixes installés dans les cultures à protéger. En outre le pigeon ne doit être tiré que posé au sol ou prêt à se poser ou s'envoler (cas des Yvelines en 1996 par ex.).

Une évolution du statut juridique de l'espèce est peut être à envisager en ce qui concerne son classement comme nuisible, lié à la sédentarisation semble-t-il, de certains spécimens et à la diminution, pour certains, du nombre des oiseaux effectuant la migration. Une proposition a été faite en ce sens par des départements du Sud-Ouest au CNCFS.

Les études en cours orienteront cette évolution. Espérons, toutefois, que les vols de palombes continueront à passer au-dessus des cols pyrénéens, perpétuant la " fièvre bleue " des mois d'octobre.

(Source ONCFS)
Rédaction : Annie CHARLEZ - juridique@oncfs.gouv.fr - Avril 2001