Juridique

publié le Dimanche 19 Août 2007

Le statut juridique de la palombe (2011)

publié le Samedi 20 Août 2011

Les colombidés et le droit.

Elles sont cinq. Cinq espèces de colombidés (pigeon ramier, pigeon biset, pigeon colombin, tourterelle des bois, tourterelle turque) à intéresser les chasseurs et à susciter la passion...Tour d’horizon du droit qui encadre leur chasse.

Les colombidés, oiseaux de passage

Dans le cadre de l’Union européenne, en vertu de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conser vation des oiseaux sauvages (JOUE du 26 janvier 2010), les cinq espèces de colombidés ont le statut d’oiseaux qui peuvent être chassés dans les État membres puisqu’ils sont inscrits dans l’annexe II.

Il faut néanmoins distinguer au sein de cette annexe le sort qui est réservé aux oiseaux.
En effet, deux espèces de pigeons (le pigeon biset et le pigeon ramier) sont inscrites dans l’annexe II Partie A, ce qui signifie qu’elles sont chassables dans l’ensemble de l’Union européenne.

Au contraire de ces gibiers « communautaires », le pigeon colombin et les deux tourterelles figurent à l’annexe II Partie B.

Pour ces trois espèces, il s’agit de gibiers « nationaux » dont la chasse n’est possible que dans les États pour lesquels elles sont mentionnées. C’est ainsi que le pigeon colombin n’est chassable que dans six États, la tourterelle turque et la tourterelle des bois dans dix États.

Dans le cadre de la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (1979), il convient de remarquer d’ores et déjà le statut particulier du pigeon ramier. En effet, cet oiseau n’est pas concerné par la Convention de Berne. De fait, les deux autres pigeons et les deux tourterelles sont seuls soumis aux dispositions applicables aux espèces qui sont inscrites dans l’annexe III dont le pigeon ramier est exclu. L’article 7 de la Convention de Berne autorise la chasse des espèces de l’annexe III, mais prescrit aux États la mise en oeuvre de plusieurs mesures visant à ce que l’exploitation de ces espèces maintienne l’existence de ces populations hors de danger. On trouve parmi ces mesures l’arsenal très classique du droit de la chasse (périodes d’ouverture et de fermeture, réglementation du commerce, par exemple).
C’est dans un tel contexte de droit supranational que le droit français confère aux cinq colombidés le statut d’oiseaux gibiers dont la chasse est autorisée en vertu d’un arrêté ministériel du 26 juin 1987, puisque les trois pigeons et les deux tourterelles sont dénommés « oiseaux de passage ».

La chasse des cinq espèces de colombidés est soumise à des dispositions très précises en ce qui concerne par exemple le temps de chasse.

Les règles communes

A
Les principes juridiques qui gouvernent l’établissement des périodes de chasse, ouverture et fermeture, pour les oiseaux migrateurs, sont de la compétence ministérielle (art. L. 424-2 et R. 424-9 du code de l’environnement).
C’est donc un arrêté ministériel du 24 mars 2006 modifié qui prévoit :
- une date d’ouverture de la chasse qui est celle de l’ouverture générale dans les départements pour le pigeon biset, le pigeon colombin, le pigeon ramier et la tourterelle turque ;
- une date d’ouverture au dernier samedi d’août pour la tourterelle des bois ; de cette date jusqu’à la date d’ouverture générale dans le département, la chasse doit être exercée à poste fixe matérialisé de main d’homme et à plus de 300 mètres de tout bâtiment. Quant aux fermetures, elles ont été fixées par un arrêté ministériel du 19 janvier 2009 relatif aux dates de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau, modifié par un arrêté du 18 janvier 2010.

Dans les faits, il faut distinguer le cas le plus général : la fermeture des trois pigeons intervient le 10 février, celle des
deux tourterelles le 20 février. Toutefois, l’arrêté ministériel contient des dispositions particulières. La chasse du pigeon ramier est autorisée du 11 au 20 février, à poste fixe matérialisé de main d’homme :
« Dans le département du Gers où elle ne peut être pratiquée pendant cette période qu’au tir au posé dans les arbres à l’aide d’appelants vivants.»
« Dans les départements de l’Ariège, de l’Aveyron, de la Dordogne, de la Haute-Garonne, de la Gironde, des Landes, du Lot, du Lot-et-Garonne, des Pyrénées-Atlantiques, des Hautes-Pyrénées, du Tarn et du Tarn-et-Garonne où elle ne peut être pratiquée pendant cette période qu’au posé dans les arbres à l’aide d’appelants vivants ou artificiels. »
« Dans les départements des Alpes-de- Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l’Aude, des Bouches- du-Rhône, de la Haute-Corse, de la Corse-du-Sud, du Gard, de l’Hérault, de la Lozère, des Pyrénées-Orientales, du Var et du Vaucluse.»

Nul n’ignore les conflits qui ont eu lieu à propos de la chasse de la tourterelle des bois au mois de mai en Gironde lors de la migration de printemps, devant le juge administratif (CE, 8 mars 1985, SEPANSO et FFSPN ; RJE 1986, n°2/3, p.264, noteC. de Klemm) avec le débat sur la responsabilité pour faute – absente – de l’État (CAA Bordeaux, 20 décembre 2005, LPO ; Environnement, avril 2006, p.23, note P. Trouilly). Sans oublier le contentieux pénal (Bordeaux, 26 septembre 2008).

Pour ce qui a trait au pigeon ramier, des arrêts très récents du Conseil d’État ont validé la date du 20 février pour vingt-six départements du sud-est et du sud-ouest de la France
(CE, ord. réf., 8 février 2007, asso. FNE, n°300858 ; Environnement, avril 2007, p.22, note P. Trouilly – CE, ord. réf., 9 février 2007, LPO, n°301302 – CE, 6 juillet 2007 Asso. France nature environnement, LPO ; RJE 4/2008, p.465, note V. Gervasoni – Droit de L’environnement, n°151, septembre 2007, p.221, note C. Lagier - CE, 23 juillet 2010, ASPAS et autres, n°324320 ; cet arrêt intervient après l’ordonnance de référés du CE du 2 février 2009, ASPAS et autres, n°324321 ; Environnement, mars 2009, p.28, note P. Trouilly).

B
Pour certaines questions, la déconcentration reste toutefois de mise puisque le préfet peut exercer quelques compétences au niveau départemental, dans son arrêté annuel d’ouverture et de fermeture. Selon l’art. R. 424-1 du code de l’environnement, il peut ainsi limiter le nombre des jours de chasse et fixer les heures de chasse des oiseaux de passage.
Ces mesures doivent être prises afin de favoriser la protection et le repeuplement du gibier.
Il peut également aussi autoriser la chasse du pigeon ramier durant le temps de neige (art. R. 424-2 du code de l’environnement).

Le cas particulier de la chasse du pigeon ramier

Comme cela a déjà été souligné, la chasse du pigeon ramier donne lieu à des développements particuliers. Le droit est ici à la mesure de l’importance de cette chasse dans le paysage cynégétique national et local (B. Traimond, La chasse à la palombe dans la lande, Études rurales, juillet-décembre 1982, n°87-88, p.97).
Il est vrai que la « fièvre bleue » déchaîne les passions au-delà de la région Sud-Ouest. Les passages d’automne occupent tous les esprits (B. Hopquin, Quand passent les palombes,Le Monde,7 novembre 2002).
Dans ce contexte, les chasses traditionnelles doivent être signalées au premier chef. C’est pourquoi le législateur les reconnaît depuis une loi du 30 décembre 1988 (art. L. 424-2 et L.424-4 du code de l’environnement).
Pour le pigeon ramier, la chasse traditionnelle s’exerce au moyen de filets.
Ceux-ci sont horizontaux (les pantes) ou verticaux (les pantières). Ces chasses font l’objet d’un arrêté ministériel dont les dispositions sont très techniques.

Pour le reste, la chasse traditionnelle se pratique également à l’aide d’appeaux ou d’appelants. Selon l’art. R. 424-15 du code de l’environnement, c’est le ministre qui autorise l’usage des appeaux, appelants vivants ou artificiels et chanterelles pour la chasse des oiseaux de passage. Un arrêté ministériel du 4 novembre 2003 modifié (JO du 9 décembre) est venu préciser les conditions de cette pratique :
 - le chasseur peut utiliser les appeaux et appelants artificiels pour la chasse des colombidés. L’emploi du tourniquet est cependant interdit. Ajoutons que l’emploi d’émetteurs radiophoniques ou radiotéléphoniques comme l’interphone est interdit pour la chasse à la palombe (Cass., crim., 3 octobre 1991, Bull. crim.,p.818, n°328) ;
 - des appelants vivants non aveuglés et non mutilés, des espèces de pigeon domestique et de pigeon ramier, peuvent être utilisés pour la chasse des colombidés dans soixante-neuf départements.

Cette grande diversité des chasses à la palombe peut faire parfois que la cohabitation entre les divers modes de chasse génère des conflits entre les chasseurs eux-mêmes. C’est alors à l’administration d’arbitrer entre les chasseurs qui pratiquent au posé dans les arbres depuis des cabanes et les chasseurs qui exercent leur art en tirant les pigeons au vol (CE, 12 mars 2007, Asso. de défense des loisirs traditionnels d’Aquitaine ;
Bulletin juridique des collectivités locales, 2007, n°6, p.390, conclusions Y. Aguila, note M. Guyomar)

Le pigeon ramier, oiseau nuisible

Des cinq colombidés, le pigeon ramier est le seul qui est susceptible d’être classé comme nuisible par les préfets dans les départements. Il est en effet mentionné dans l’arrêté ministériel du 30 septembre 1988 fixant la liste des animaux susceptibles d’être classés nuisibles (JO du 2 octobre). En 2010-2011, le pigeon ramier fait l’objet d’un tel classement dans trente-neuf départements.

Alors, nuisible le pigeon ramier ? Tout dépend des circonstances. Le préfet tiendra compte des caractéristiques du département et de l’intérêt de protéger les activités agricoles. C’est le sens de la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 18 octobre 1989, ROC et autre/M. Bidalou, n°102812 - 102813 - 103539 - 103540 - 103615 - CE, 5 mai 1993, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargé de l’environnement/ROC et autres, n°114974).

 

Charles Lagier Avocat – Lyon

Conseil de la FNC.
 

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