Rapport de baguage 2005

publié le Lundi 22 Août 2005

Distribution spatiale des reprises

publié le Lundi 22 Août 2005
L’ensemble des résultats qui suivent visent avant tout, au moins pour les 2 pigeons et la T. turque, à estimer si les populations nicheuses sont toutes typiquement sédentaires, vaguement erratiques, ou montrent des comportements migratoires en période inter-nuptiale.

Le tableau ci-dessous illustre la distribution des re-captures par classes de distance entre le site de baguage et de re-capture. Il prend en compte la totalité des données de contrôles ou de reprises obtenues à partir des oiseaux bagués poussins.

 

Distribution (en %) des distances de re-capture

 
  Distance parcourue Pigeon
ramier
Pigeon
colombin
Tourterelle
turque
Tourterelle
des bois
 
< 10km 73.3% 84% 96.6% 81.8%
 
10 km < 50 km 16.3% 6.4% 2.6% -
 
50 km < 100 km 3.6% 3.2% - -
 
> 100 km 6.8% 6.4% 0.8% 18.2%
 

L’incorporation des données 2005 ne modifie pas la distribution des distances de re-captures obtenues les années précédentes. Les nouvelles données chez le P. colombin permettent toutefois de mieux détailler le pattern de dispersion, qui tend peu à peu à « s’aligner » sur celui du P. ramier. Au vu de cette présentation on pourrait en déduire une forte sédentarité des oiseaux bagués poussins, et ce pour les 4 espèces. Cette figure n’intègre cependant pas la date de la re-capture prise et gomme donc les éventuelles variations des distances de reprises qui pourraient en découler. Ce point fera l’objet d’une analyse spécifique ultérieurement.

Dans le cas du pigeon ramier, la réactualisation des figures déjà présentées les années précédentes, conforte peu à peu les hypothèses de départ. Le point essentiel est l’augmentation des reprises d’oiseaux à des distances importantes alors qu’ils sont âgés de plus d’un an. Bien que les reprises à longue distance restent surtout le fait d’oiseaux en 1ère année, ce phénomène s’observe désormais sur des oiseaux âgés jusqu’à 4 ans. Les pigeons ramiers peuvent donc disperser à large échelle même en dehors du cadre de la dispersion natale. On ne peut totalement exclure qu’un oiseau ait pu disperser au cours de sa 1ère année pour se fixer ensuite définitivement à distance de son site de naissance. Cependant nous disposons d’un faisceau de résultats qui infirment cette hypothèse. Ces résultats avaient été évoqués lors du précédent rapport et sont rappelés ici :
Les données de télémétrie suggèrent que les P. ramiers en dispersion natale font preuve d’une assez forte philopatrie (donc qu’ils seront reproducteurs à faible distance de leur site de naissance). D’autre part, la dispersion des adultes au cours d’un cycle reproducteur ou entre 2 saisons de reproduction consécutives reste très faible et n’est donc pas susceptible de d’altérer cette philopatrie.

Les P. ramiers bagués poussins et repris les années suivantes en période de reproduction (tir de destruction sur cultures) sont également à proximité immédiate (dans un rayon de quelques kilomètres) de leur lieu de naissance.
Les rares contrôles de P. ramiers bagués poussins et revus reproducteurs vont également dans le même sens. Précisons cependant que ces contrôles ne concernent que des oiseaux urbains.

Tout ceci indique que lorsqu’un individu disperse, c’est de manière momentanée, et quel que soit l’âge, ce qui s’accorde avec l’hypothèse d’un comportement migratoire. Il reste cependant à corroborer ces données avec une approche géographique : si les déplacements sont erratiques, les axes de dispersion devraient être multiples, quels que soient les lieux d’origine des individus. Si la dispersion inter-nuptiale est de type migratoire, les axes de dispersion devraient être parallèles ou converger vers un même point d’hivernage.

Ce point est illustré dans la carte qui suit (Fig. 15), illustrant les distances et axes de dispersion pour les reprises à plus de 50 kilomètres de distance. Là encore il s’agit d’une réactualisation des données précédentes. Les nouvelles données confirment certains aspects comme une prépondérance des P. ramiers issus du nord et du Nord-est dans les reprises à longue distance, la concentration de ces reprises dans le quart sud-ouest. Il n’y a toutefois pas de délimitation claire puisque des oiseaux de l’Ouest de la Bourgogne (Yonne), du Centre (Indre, Indre & Loire, Loiret), et même de Poitou-charentes (Deux-Sèvres, Vienne et Charente) peuvent montrer des déplacements importants. Les 1ères données provenant des oiseaux de l’est et du sud-est du pays (Saône & Loire, Isère) suggèrent que ces derniers iraient également hiverner dans le sud-ouest de la France, infléchissant donc leur axe de dispersion du Sud, Sud-Ouest vers l’Ouest. Ces déplacements importants peuvent même encore persister en se rapprochant du Sud-Ouest puisqu’un P. ramier né dans le Tarn a été repris dans le département des Landes. Il se confirme également que l’origine urbaine de oiseaux n’empêche en rien une dispersion importante : ainsi, un oiseau originaire d’Auxerre a parcouru plus de 350 km avant d’être repris en Dordogne… Seul le secteur parisien semble échapper à cette tendance puisque l’ensemble des reprises, y compris celles avec une distance de reprise de plusieurs dizaines de kilomètres (jusqu’à 60 km) ne privilégie aucun axe de dispersion particulier, mais semble plutôt rayonner autour de la capitale.

L’ensemble de ces résultats dessine chaque année de plus en plus précisément un schéma où apparaît un « gradient migratoire » du Nord-Est au Sud-Ouest. En corollaire se pose la question de la possibilité d’un hivernage de P. ramiers « français » en péninsule ibérique… Ainsi, un ramier originaire de Saône & Loire a été repris dans les Hautes Pyrénées, à la mi-octobre, à environ 40 km du col d’Iraty…. Répondre à cette question n’est pas évident (et sûrement prématuré) dans la mesure où la centrale de baguage espagnole est actuellement non opérationnelle. On ne peut donc exclure que des reprises d’oiseaux bagués en France « dorment » au delà des Pyrénées. Mais les reprises concernant d’autres espèces remontant malgré tout (T. des bois, Bécasses….), on peut penser que les reprises de P. ramiers en « Ibérie » sont marginales, voire inexistantes.

L'examen conjugué des distances de dispersion parcourues en relation avec le temps de port de bague, de l'orientation des reprises et de la cartographie de ces dernières tend à confirmer le « pattern » discerné les années précédentes et apporte de nouvelles données soutenant l'hypothèse d'une persistance de comportement migratoire chez une partie des P. ramiers originaires du territoire national.

Fig. 15 : Cartographie des reprises supérieures à 50km de P.ramier bagués poussins. Le site de capture figure en noir, celui de reprise en blanc.