Pour rester dans la rubrique "Quand ça veut pas, ça veut pas", je vous livre en avant-première, quelques lignes que j'ai rajoutées à mon bouquin, dans la perspective d'une future réédition complétée :
AZ UN NAZ, MES PAS TOUTJOURN ! (Il a du nez, mais pas toujours !)
Septembre 1977. Après cinq jours de pluie et vent d’Ouest, le ciel s’est dégagé la veille. La brise vient du Sud-Est, c’est sûr, le gibier d’eau va débouler…du moins c’est ce que nous espérons ! Didier et moi arrivons vers 9 h sur la fin de montant d’un petit coefficient. Grand beau-temps et température fraîche mais agréable : on sent que l’été s’en va. Nous laissons la pinasse un peu bas pour pouvoir repartir aux alentours de 17 h. Les vacanciers ne sont plus là, on est en semaine, nous sommes seuls sur l’Île.
Première contrariété : aucun oiseau , ni en vol, ni posé sur les mattes. Même aux jumelles, rien ! Pas un chant, rien ! Bon, on attend une heure dans le bateau pour que l’eau descende, en se motivant : quand les terres découvrent, il y a toujours du mouvement…
10 h 30 : Didier me propose de faire notre circuit habituel : un traverse l’Île pendant que l’autre la contourne par l’Ouest, et on se retrouve au groupement Nord. Une heure de crapahutage, et autant au retour… pour, peut-être lever une bécassine aujourd’hui ? Sans moi ! J’ai des bricoles à faire sur la pinasse qui sert beaucoup depuis juin, sans entretien. Didier met deux poignées de cartouches dans ses poches et s’en va.
Le bateau est échoué maintenant. Je graisse les paliers de l’arbre de transmission, quand j’entends siffler une barge : je réponds, et « royal », 2 oiseaux arrivent tranquillement vers moi. 25 m, immanquables ! Pan – Pan !…M… ! c’est pas possible! Je les suis des yeux et j’en voie une tomber sur le sable 50 m plus loin. L’autre continue vers l’océan. J’ai sauvé la bredouille.
14 h 15 : je mange quand Didier qui a fait la boucle par l’Ouest, arrive dans mon dos. Avec une ironie mesurée, je dis : « Alors, tu as vu des oiseaux ? »… « Quelques-uns » me répond-il en posant sa veste sous mes yeux…Je suis stupéfait : la poche-carnier est gonflée comme une outre, des autres poches dépassent des culs et des pattes … Il y a bien 60 pièces ! Des barges en majorité, pluviers et maubèches pour le reste. Il était sur la plage Nord, et les oiseaux défilaient vol sur vol ! Et moi je n’ai rien vu, ni entendu tirer à cause du vent contraire. J’ai les « boules » ! Nous partagerons comme toujours, mais le plaisir intérieur n’est pas le même.
Sept ans plus tôt, fin août 1970, j’ai été victime d’une mésaventure « Pagnolesque ». Il y a quarante ans, la météo télévisée ou non, n’était pas renseignée par des satellites : les prévisions étaient souvent aléatoires. Alors, quand le ciel s’est dégagé, contre toute attente, le baromètre repartant à la hausse j’ai regardé l’annuaire des marées : en faisant vite, c’était jouable ! A la course, je rafle une boîte de raviolis dans la cuisine familiale, mon calibre 12, la veste de chasse, une serviette de bain, je fourre tout dans le grand sac marin, et en route…à la voile. Je suis arrivé sur l’Île à moitié marée descendante ; beaucoup de gibier d’eau en vue ; j’ai pensé que j’avais eu « du nez ». Pas très longtemps : mes poches étaient pleines de cartouches certes, mais du calibre 20 que j’avais utilisé le week-end précédent, pour tirer les tourterelles à la limite de Biscarosse ! (On pouvait les chasser sur le domanial à partir du 15 août à cette époque.) J’ai poussé un m… qui a dû s’entendre jusqu’au Cap-Ferret ! Ma frustration était à son comble, et j’étais seul sur cette partie de l’Île, aucun chasseur à l’horizon qui aurait pu me « dépanner »… J’ai attendu la marée-basse pour ramasser un seau d’huîtres sauvages et quelques dizaines de palourdes. L’appétit venant, j’ai regagné le voilier, ouvert la boîte de conserve, sorti le réchaud Camping-gaz, mais quand j’ai voulu mettre à chauffer, j’ai réalisé que je n’avais ni briquet, ni allumettes ! Ils étaient restés dans un autre sac ! A presque 20 ans, on a besoin de manger : j’en ai avalé une douzaine…Avez-vous déjà mangé des raviolis froids ? C’est une chose absolument dég… ! Je me suis rabattu sur les huîtres et les palourdes, sans pain bien sûr. Quelques heures plus tard, j’avais regagné Arcachon. J’ai failli oublier : le soir même, je me suis « payé » une colique du Diable !
Il y a des jours comme ça dans tous les domaines de la vie, qui laissent à penser que son ange gardien est parti en vacances !
Mais comme je le disais souvent à mes équipiers : « On est jeunes, en bonne santé, on évolue dans un décor de carte-postale, pensez qu’en ce moment il y a des gens dans le Métro et les embouteillages. On a quand même de la chance, non ? »